Amanda Sthers : Lettre d’amour sans le dire (2)

12 Fév 2021 | Salon de lectures @ voix haute | 0 commentaires

La Saint Valentin 2021 approche ; je dédie  à nouveau cet épisode aux amoureux solitaires.

Voici la suite des extraits choisis pour vous faire partager mon plaisir lorsque j’ai découvert cet ouvrage original, empli d’humanité et tellement bien écrit.

Bonne lecture et bonne écoute.

Benoit

Pour le premier épisode, c’est par ici.

giacometti

Amanda Sthers : Lettre d’amour sans le dire

« Il a fallu que j’entre ici pour que tout me tombe dessus… »

La femme entrée par hasard dans un salon de thé poursuit ici sa longue lettre mystérieuse…


Amanda Sthers : « Lettre d’amour sans le dire », Edition Grasset – 2020


Musique : « Beautiful Japanese Music » | Koto Music & Shakuhachi Music (à retrouver sur Youtube ici)

Il a fallu que j'entre ici pour que tout me tombe dessus...

par Amanda Sthers, lu par Benoit | musique : "Koto Music & Shakuhachi Music"

Je viens d’un monde où nous ne goûtions pas aux choses exotiques, je n’ai jamais voyagé que dans des livres et c’est ainsi que je suis devenue professeur de français.[…]

je n’ai pas quitté le Nord pendant mes quarante-huit premières années, j’ai imaginé l’amour, les gens et les odeurs. J’ai trouvé l’aventure dans le confort de mon salon, sous une couverture, accrochée aux pages que je ne cessais de tourner. […]

Jamais je ne m’étais fait masser. Nous n’avions pas beaucoup de moyens et j’ai toujours donné la priorité à d’autres choses. Le corps n’avait pas de place dans nos vies. Nous l’habitions pour nous déplacer, manger, prendre du plaisir honteusement ou recevoir des coups mais l’idée qu’il puisse exister en soi ne faisait pas partie de mon éducation.[…]

Il avait fallu que j’entre ici pour que tout me tombe dessus, que j’abandonne ma force et mon courage. Les minutes pendant lesquelles je vous attendais sans le savoir m’ont anéantie.

—————————————-

Quand vous êtes entré, j’étais presque anesthésiée.

Vous vous êtes agenouillé.

Je ne m’attendais pas à ce qu’un homme me masse. En temps normal j’aurais protesté mais il émanait de vous une douceur mêlée à une autorité et j’étais dans un état de faiblesse, le jouet d’une histoire que je n’écrivais pas.[…]

Vous avez pris un moment pour joindre vos mains devant votre poitrine en position de prière puis incliner lentement le buste vers le sol. Cela m’a rassurée sans trop savoir pourquoi, comme si vous quittiez vos attitudes humaines pour vous concentrer uniquement sur mon corps. Et moi je vous l’abandonnais sous un tissu fragile alors qu’aucun homme ne l’avait touché depuis tant d’années.[…]

Les paumes de vos mains à plat contre ma peau étaient chaleureuses et ouvertes pour m’exprimer que je ne risquais rien. Elles se sont inscrites sur la courbe de mon cou comme si elles y étaient attendues et que leur place était là. Puis vous les avez descendues le long de mes épaules sur la matière fragile de la tenue que j’avais enfilée et qui prenait tout son sens ; ce n’était pas une barrière entre nous, c’était un lien. Vous avez immobilisé votre corps entier et m’avez entraînée à fixer ma respiration sur la vôtre. Nous ne pouvions respirer à contretemps, votre souffle me demandait d’inspirer avec vous, que je sois avec vous. Et dans ce duo d’exhalaisons, soudain je n’ai plus été seule et mes yeux ont laissé couler des larmes. Ce n’était ni du chagrin, ni même une émotion, je libérais simplement de la vie. Je me remettais en marche. […]

Vous êtes parti tel un fantôme sans que j’aie eu le temps de vous rendre un sourire.

A suivre…

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