Claude Bourgeyx : Les petits outrages (1)

28 Nov 2020 | Salon de lectures @ voix haute | 2 commentaires

Claude Bourgeyx : Les petits outrages

Voici un premier choix de deux textes courts délibérément irrévérencieux pour se rappeler qu’on peut caricaturer et rire de tout.

Claude Bourgeyx, est passé maître dans l’art du dérapage. De la plus anodine des réalités, il tire des situations exceptionnelles où surréalisme et fantastique caracolent dans un joyeux bruissement de mots.

Benoit

Les petits outrages, Edition Le Castor Astral, 1984 – Recueil de textes courts non-titrés.

Les petits outrages - Panaris

par Claude Bourgeyx, lu par Benoit

Lorsque je suis en bonne santé, je tutoie Dieu. Lorsque je suis en bonne santé seulement car, lorsque je suis patraque, il m’arrive de douter de son existence.

Ma plus forte crise d’athéisme coïncide avec mon dernier panaris. La douleur est génératrice d’interrogations. Par exemple, pourquoi les panaris viennent-ils aux doigts alors qu’ils pourraient très bien jaillir autour des yeux ? Et s’ils venaient aux yeux, où les orgelets iraient-ils se nicher ? Au bout des doigts ? Et si j’avais eu un orgelet au pouce, aurais-je aussi douté de Dieu ? Voilà une question fondamentale, une question fondamentale entre autres car il en est de nombreuses qui me viennent à l’esprit.

Une au hasard : si Dieu prenait l’apparence d’un homme, serait-ce la mienne ou celle de mon cousin Georges ? Personnellement, je penche vers la première hypothèse car mon cousin est trop bête pour se prendre pour Dieu lui-même.

Une autre question au hasard : quand on dit que Dieu est partout, veut-on, dire par là qu’Il joue en même temps goal et avant-centre ? Ah ! Voilà qui va loin. Il est important de ne pas éluder les vraies questions, surtout celles concernant ce délicat sujet. Mon garagiste prétend qu’il n’est pas important de savoir si Dieu existe ou non, mais affirme qu’il est essentiel de se demander pourquoi Il existe. Voilà une façon originale d’aborder le problème. D’ailleurs, mon garagiste est un original : il ne fait presque jamais de facture et il exige un règlement en argent liquide. Amusant, non ? Ce qui est certain c’est que chez lui Dieu n’a pas créé de registre comptable. C’est bien étrange, cet oubli. Voilà qui prouve bien que Dieu n’est pas parfait même s’Il est parfois indispensable.

Les petits outrages - Passoire

par Claude Bourgeyx, lu par Benoit

Aujourd’hui je vais aborder un grand problème abstrait et poser une question essentielle entre toutes : Dieu peut-Il demeurer dans une passoire sans être contraint de s’accrocher énergiquement au rebord de l’accessoire de cuisine ?

En d’autres termes : Dieu est-Il liquide ou bien est-Il solide ?

Evidemment on pourra me répondre que ma question ne présente aucun intérêt si l’on considère que Dieu n’a rien à faire dans une passoire et n’a, par conséquent, aucune raison de s’y trouver.

Je répondrai à ces athées que Dieu étant partout, Il est obligatoirement dans les passoires. Peut-être pas au même titre que le riz ou les nouilles mais, qu’on le veuille ou non, Il y est ! Cependant Il y est dans la mesure où Il ne passe pas à travers les trous car alors Il n’y serait plus. L’intérieur des passoires serait ainsi le seul endroit où Dieu ne serait pas ! D’où, vous l’avez compris, l’importance de ma question qui pose le problème de l’existence du Créateur dans les lieux non étanches.

Admettons que Dieu soit solide et ne passe pas à travers les trous de la passoire. Là, il n’y a rien à dire. Dans ce cas Dieu est dans les passoires comme Il est en toute chose.

Imaginons maintenant qu’Il soit liquide et qu’Il s’échappe par les orifices de la passoire. Où va-t-Il ? que fait-Il de sa liberté ? Eh bien, tout comme l’eau les haricots verts ou des artichauts, Il va se perdre dans les tuyauteries où Il rencontre qui ? Mais lui, bien sûr puisqu’étant partout Il y est forcément déjà.

Oui, c’est très complexe et je me demande si je n’aurais pas mieux fait de poser le problème non pas avec une passoire mais plutôt avec une tranche de gruyère… Là, s’il y a bien des trous, l’approche de la question fondamentale posée dans les premières lignes est tout autre. Ouais… Ouais…

Bon, je ne sais plus où j’en suis. Tout cela est finalement très délicat et je vous demande de réfléchir avant de m’adresser vos idées et suggestions relatives à ce problème sous enveloppe cachetée.

Trois de ces enveloppes seront tirées au sort et leurs expéditeurs gagneront une passoire.

A suivre…

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2 Commentaires

  1. Solange Z.

    Ravie de voir que vous connaissez Claude Bourgeyx qui est un ami de longue date (homme de théatre, ecrivain etc…). Je le rencontre quand je vais à Bordeaux et sinon nous nous sommes vus au Théâtre du Rond-Point ou se jouait une de ses pièces, il y a quelques années.
    Il a écrit et publié entre autres « lettres d’amour », lues par Bernadette Laffon c’était assez exceptionnel.
    En ce moment il est en train de continuer son écriture (2 livres).

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  2. Jacques

     » Pourquoi Dieu existe « ?????  » Dieu existe t il « ??????
    Avec les médias d’aujourd’hui deux belles constructions humaines pour dire comment penser et vivre !!!!! Quel progrés !!!!

    Réponse

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