Louise Michel, déportation en Nouvelle Calédonie (3)

21 Mai 2021 | Salon de lectures @ voix haute | 0 commentaires

Les déportés de Caledoun Alice Zéniter. *

Le 1 Hors -Série XL « Louise Michel L’égérie de la Commune

Louise Michel m’accompagne, en pointillé, depuis qu’à 17 ans j’ai décrété que la Commune était mon événement préféré. Un ami m’a offert, lors de mon anniversaire, La Commune, histoire et souvenirs, ce texte que j’ai découvert, troué de poèmes et de chansons, constamment à rappeler la présence des femmes, qu’elles soient ambulancières ou soldats.

J’aimais aussi qu’elle se soit, un temps, choisi comme nom de plume Enjolras, mon personnage chéri parmi tous ceux des Misérables, même si l’hommage me paraissait risqué puisque le héros de Victor Hugo finit fusillé, lorsque la barricade que lui et ses camarades ont érigée est prise par les gardes nationaux.

Je retrouve la pétroleuse à vingt-deux mille kilomètres de Montmartre, alors que j’arrive à Nouméa. Je ne connais presque rien de la Nouvelle- Calédonie, à l’exception de quelques souvenirs de bagne de Louise Michel, mais à l’occasion de ce séjour, les écrits de la militante anarchiste reviennent dans ma vie.

En 1830, l’armée française envahit l’Algérie et entreprend de conquérir ses territoires immenses et disparates par des batailles et des massacres successifs. Dans les vingt années qui suivent le débarquement de l’armée française, plusieurs de ces batailles sont menées par Mac Mahon, futur boucher de la Commune, qui pour l’instant ne tue que des « indigènes », ce que personne ne songe à lui reprocher.

Au contraire, on le nomme gouverneur général. En mars 1871, en Kabylie Mohamed El Mokrani prend la tête d’une révolte des spahis et des villageois qui grondait depuis longtemps déjà. Au cours de ce printemps, ce sont entre cent et deux cent mille Kabyles qui se soulèvent, s’emparent de Palestro, brûlent les villages coloniaux… Au même moment à Paris, le peuple refuse de rendre les canons et déclare la Commune.

Pour le dire avec les mots de Louise Michel, « Elle est en réalité depuis toujours sous tous les noms que prend la révolte, cette union des spoliés contre les spoliateurs : mais à certaines époques telles que 71, elle frémit davantage devant les crimes plus grands, ou peut-être il est l’heure de briser un anneau de longue chaîne d’esclavage ».

De part et d’autre de la Méditerranée la répression est sanglante. On estime que les insurgés survivants, lorsqu’ils ne sont pas condamnés à mort, méritent la déportation au bagne. Ils sont envoyés en Nouvelle-Calédonie.

Les déportés algériens qu’on appellera les « Arabes » alors que la majorité est Kabyle, apparaissaient alors aux portes du récit de Louise Michel : « Un matin dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs, des Arabes déportés pour s’être, eux aussi, soulevés contre l’oppression. Ces Orientaux emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux, étaient simples et bons, et d’une grande justice […], et je crois que nous les reverrions tous avec grand plaisir. »

 

  • Alice Zeniter : Autrice de « Sombre dimanche » et de « Juste avant l’oubli » ; Prix Goncourt des lycéens en 2017 avec « L’art de perdre », retraçant le destin d’une famille de harkis, sur trois générations. Son dernier roman, « Comme un empire dans un empire », en 2020, explore les tensions sociales et politiques qui agitent la France.

Déportés de la Commune et déportés Kabyles vers le bagne de Nouvelle Calédonie

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