A livres ouverts à VersLibre

34 Bd Stalingrad à Nice

C’était le jour à pas de chance, le 17 octobre : PLUIE PLUIE PLUIE PUIS PLUIE PLUIE PLUIE puis annulation de la séance ! Pour une première fois dans ce nouveau lieu, c’était plutôt raté mais on ne perd pas espoir : nous avons reprogrammé cette séance le 6 décembre.

De notre côté nous nous préparons à lire des textes d’auteurs russes traduits en Français et du côté de nos hôtes russes c’est le mystère… mais au moins on est sûr qu’il y aura thé, café et boissons diverses ainsi que des pâtisseries…
Donc ne manquez pas ce prochain rendez-vous qui sera finalement le vendredi 6 décembre à 18h.

Et pour vous mettre en appétit, voici un extrait d’un des textes qui pourront être lus lors de cette scène ouverte.

Svetlana ALEXIEVITCH
Prix Nobel de littérature 2015
Extraits de son discours
Traduction Sophie Benech
Editions Babel Actes sud 2016

À propos d’une bataille perdue

Je ne suis pas toute seule sur cette tribune… Je suis entourée de voix, des centaines de voix, elles sont toujours avec moi. Depuis mon enfance. Je vivais à la campagne. Nous, les enfants, nous aimions bien jouer dehors, mais le soir nous étions attirés, comme par un aimant, par les bancs sur lesquels les vieilles babas fatiguées se rassemblaient près de leurs maisons, leurs « khatas », comme on dit chez nous. Elles n’avaient plus de maris, plus de pères, plus de frères, je ne me souviens d’aucun homme dans notre village après la guerre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un Biélorusse sur quatre est mort au front ou dans la résistance. Notre monde à nous, les enfants de l’après-guerre, était un monde de femmes.

 

Qu’est-ce que la littérature ?

Flaubert a dit de lui-même qu’il était « un homme-plume ». Moi, je peux dire que je suis « une femme-oreille ». Quand je marche dans la rue et que je surprends des mots, des phrases, des exclamations, je me dis toujours : combien de romans qui disparaissent sans laisser de traces ! Qui disparaissent dans le temps. Dans les ténèbres. Il y a toute une partie de la vie humaine, celle des conversations, que nous n’arrivons pas à conquérir pour la littérature. Nous ne l’avons pas encore appréciée à sa juste valeur, elle ne nous étonne pas, ne nous passionne pas. Moi, elle m’a envoûtée, elle a fait de moi sa prisonnière. J’aime la façon dont parlent les gens… J’aime les voix humaines solitaires. C’est ce que j’aime le plus, c’est ma passion.

 

A table ! On remet le couvert !

au Café Alfred, 13 rue Vernier à Nice.

Nous présentons sur Nice notre nouvelle création « A table ! » le 11 décembre.

« A Table ! » Voici un cri familier qui met l’eau à la bouche ! A travers les âges, l’être humain a toujours aimé manger, et les écrivains ont relaté cette envie à l’envi !

L’association les Mots à la Bouche s’est penchée cette fois sur cet aspect de notre culture: la cuisine, les arts culinaires, la gastronomie…, quelle que soit la façon dont on le nomme notre goût pour bien manger est sans limite. Il a été illustré par bien des grands écrivains comme Zola ou Proust mais aussi par des écrivains du monde entier, des journalistes, des poètes, des humoristes ou des romanciers pour le jeunesse. Ce spectacle,  » A Table !  » vous emmènera dans un voyage culinaire à travers le temps et le monde, à travers les genres et les goûts. Des mots à la bouche, des mets et des mots, un spectacle de lectures gourmandes.

Et, pour vous mettre en appétit, voici voici quelques lignes de la main d’Ernest Hemingway extraites de « Paris est une fête » (Editions Gallimard, 1964).

J’appris à comprendre bien mieux Cézanne et à saisir vraiment comment il peignait ses paysages, quand j’étais affamé. […]
La faim est bonne pour la santé et les tableaux te paraissent plus beaux quand tu as faim.

Mais il est tout aussi merveilleux de manger et sais-tu où tu vas aller manger de ce pas ? Tu vas aller manger et boire un coup chez Lipp.
Il ne fallait pas longtemps pour aller chez Lipp et le plaisir de m’y rendre était accru par les sensations que me rapportaient, au passage, mon estomac, plus encore que mes yeux et mon odorat, le long du chemin. Il y avait peu de monde à la brasserie et quand je pris place sur la banquette, contre le mur, avec le miroir dans mon dos et une table devant moi, et quand le garçon me demanda si je voulais une bière, je commandai un distingué, une grande chope en verre qui pouvait contenir un bon litre, et une salade de pommes de terre.

La bière était fraîche et merveilleuse à boire.
Les pommes à l’huile étaient fermes et bien marinées et l’huile d’olive était exquise. Je moulus du poivre noir sur les pommes de terre et trempai le pain dans l’huile d’olive. Après la première grande rasade de bière, je bus et mangeai très lentement.

Quand j’eus fait un sort aux pommes à l’huile, j’en demandai une nouvelle portion, avec du cervelas. C’était une sorte de grosse saucisse de Francfort, lourde et coupée en deux dans le sens de la longueur, assaisonnée avec une sauce spéciale à la moutarde.

Je sauçai mon pain dans l’huile et l’assaisonnement pour n’en rien laisser et je bus lentement la bière jusqu’à ce qu’elle commençât à perdre de sa fraîcheur et je vidai alors ma chope et commandai un demi et observai comment on le tirait. Il semblait plus frais que le distingué et j’en
bus la moitié.

Pourquoi me faire du souci ? pensai-je. Je savais que mes contes étaient bons et que je finirais par trouver un éditeur en Amérique.