Un poème proposé et un souvenir partagé par Anne L.
Retrouvailles avec Antonio Machado, poète espagnol dont les mots, avec ceux de Federico Garcia Lorca et Miguel De Unamuno, faisaient vibrer nos cœurs jusque aux larmes, lorsque notre professeur d’espagnol à l’Institution Montaigne à Vence, en classe de première et terminale, nous lisait les poèmes à voix haute…
«Il est des voix que la distance avive, arrache, dirait-on, aux mille échos momentanés du jour, pour nous les rendre plus poignantes, austères et comme énigmatiques dans le silence neuf où elles surgissent. L’œuvre poétique d’Antonio Machado, accessible enfin au lecteur de langue française, participe de ce destin tout à la fois superbe et redoutable. » (…)
Claude Esteban.

Voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant
Jamais je n’ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire des hommes
Laisser mes chansons
Mais j’aime les mondes subtils
Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.
J’aime les voir s’envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre,
Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.
À demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre ?
Chantez en cœur avec moi :
Savoir ? Nous ne savons rien
Venus d’une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n’enseigne rien, lumière n’éclaire pas
Que disent les mots ?
Et que dit l’eau du rocher ?
Voyageur, le chemin
C’est les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Antonio Machado, poète espagnol (1875-1939). Poème extrait de Champs de Castille
précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Trad. de l’espagnol par Sylvie Léger et Bernard Sesé. Préface de Claude Esteban
Collection Poésie/Gallimard (n° 144), 312 pages
Édiions GALLIMARD (13/01/1981)
Beaucoup d’émotion à la lecture de ce texte. Je pense à un autre texte qui fait résonance en moi
« Quand tu aimes, Il faut partir…. »
Quel magnifique poème, à lire et relire.
Oui je l’ai choisi pour ce qu’il m’évoque de souvenirs, mais aussi pour ce qu’il résonne avec ce que j’éprouve de notre actualité