Copier n’est pas voler :
Il s’agit d’utiliser la structure, le rythme d’un texte ou d’un poème pour écrire un texte sur un thème personnel
Il s’agit pour cet exercice d’un texte de Claude Roy : l’homme de paille :
Il avait tellement longtemps
semé le grain coupé la paille
lié les gerbes de froment
gelé au froid nu des semailles
brûlé au soleil de l’été
Il avait tellement longtemps
battu le blé couru la route
entre les greniers et les champs
il avait tellement longtemps
reçu la pluie, reçu la grêle
subi la neige et le grand vent
germé de chaud séché de gel
qu’il était devenu de paille
belles moustaches de blé lisse
menton de chaume qui piquaille
sourcils de mil barbe en maïs
(Il faut prendre extrêmement garde
à ce qu’on fait dans son travail
ou bien l’on devient par mégarde
d’homme de chair homme de paille).
Exemple issu d’un atelier d’écriture :
Elle avait tellement longtemps
piqué l’aiguille gansé baptiste
ajusté les pièces de coutil
tressé les fils de dentelle
doublé jupes de flanelle
Elle avait tellement longtemps
cousu l’étoffe, tenu cadence
Elle avait tellement longtemps
ourlé la toile, ourlé la soie
réuni shantung et velours
taillé de biais taillé de court
qu’elle était devenue momie
visage et peau parcheminée
mains diaphanes et corps léger
usure de trame et chaîne de vie
(Il faut prendre extrêmement garde
à ce qu’on fait dans son travail
ou bien l’on devient par mégarde
de femme vivante, femme momie
A vous …
Il avait tellement longtemps
exploré le grand monde
dompté tous les courants
apprivoisé les ondes
conquis tous les savoirs
Il avait tellement longtemps
combattu la nature
dominé le vivant
Il avait tellement longtemps
exploité les ressources
épuisé l’océan
tari toutes les sources
qu’il était devenu finance
l’économie pour seul moteur
le monde comme un billet de banque
le pouvoir en guise de bonheur
(Il faut prendre extrêmement garde
à ce qu’on fait à notre Terre et ses trésors
ou l’on devient par mégarde
les maîtres d’un monde mort).
Il avait tellement longtemps erré
Sur les routes et les chemins boueux
S’égarant la nuit dans des trains incertains
Guettant une lumière
dans des rues nues de vie
Il avait tellement longtemps
Frappé à des portes qui ne répondaient pas
Courant poursuivi par les chiens de
Gentils et vigilants voisins
S’écorchant sur des clôtures sécuritaires
Il avait tellement longtemps
eu faim
Tellement longtemps
eu soif
Tellement longtemps
s’était senti sale
Tellement longtemps reçu de coups
Quand il ne demandait qu’un simple geste
Un sourire, une douce caresse
Que le jour
Où elle ouvrit sa porte
Il entra et dit :
Ici c’est chez moi
Et il s’installa
Il avait tellement longtemps
pourfendu les injustices
dénoncé les dérives du temps,
secoué le convenu trop lisse
et tenté d’être celui « devant »
Il avait tellement longtemps
reçu les piques de la haine
combattu en serrant les dents
Il avait tellement longtemps
voulu être celui qui sème
a contre-temps contre-courant
l’idée d’une cité humaine
Qu’il était devenu d’orage
de bras ouverts de fraternité
de front culbuté de nuages
de regard d’éclairs zébré
Il faut prendre extrêmement garde
à ce que l’on fait dedans sa vie
ou bien l’on devient par mégarde
orage, ouragan, tonnerre et pluie
Oubli
Il avait tellement longtemps
Souri à ceux qui en avaient besoin
Ri avec tous ceux qui le voulaient bien
Aidé les autres à se sentir sereins
Il avait tellement longtemps
Su se faire discret, se dissimuler
Ouvrir aux amis dans l’adversité
Un espace préservé, illimité
Il avait tellement longtemps
Abandonné, renoncé, tenues closes,
Les fenêtres de son cœur mis sur pause
Qu’il était devenu comme le chat d’Alice,
Juste un sourire
Juste pour de rire
Juste repartir
Il faut prendre extrêmement garde à ce qu’on fait
Pour ne pas glisser
Derrière le papier peint.