Compte rendu de la séance A Livres Ouverts le 6 décembre 2024

 

Le 6 décembre 2024, la première séance du Cercle de lecture franco-russe de Nice « A livres ouverts » s’est déroulée au café-librairie VersLibre de Nice.

Voici un passage en revue des auteurs dont des textes ont été lus en commençant par le plus ancien (Pouchkine) jusqu’à la plus récente autrice, Mariam Petrosyan. Nous avons, tout au long de la soirée pu faire des ponts et des liens entre ces différents auteurs.

 

Alexandre Pouchkine (1799-1837) Matin d’hiver

Dramaturge, romancier, poète, Alexandre Pouchkine est considéré comme le fondateur de la littérature russe moderne au XIXe siècle, et réputé pour son amour de la fête et du jeu. Il jouit d’un immense prestige littéraire, tant par sa production de poèmes que de romans ou par son activité de journaliste. Il meurt dans un duel l’opposant à un officier qui cherchait à séduire sa femme. Il est l’auteur d’Eugène Onéguine, célèbre roman en vers, adapté en opéra par Tchaïkovski et de Boris Godounov.

 

Ivan Tourgueniev (1818-1883) Premier amour, nouvelle, paraît en 1860 « Cette nouvelle, je ne l’ai pas inventée, elle est le produit de toute mon existence. »

Tourgueniev eut une liaison avec la cantatrice Pauline Viardot dès 1843. Il a passé une grande partie de sa vie hors de Russie, à Berlin, et en France. Très opposé au servage (lequel sera aboli en 1861). Il écrit de la poésie, du théâtre, des nouvelles et des romans.

Devient ami avec Flaubert en 1863 et traduit La légende de St Julien l’Hospitalier. Rencontre Zola, Daudet, George Sand, les Goncourt, Jules Verne. En 1875, Tourgueniev est élu vice-président au Congrès International de Littérature, aux côtés de Victor Hugo qu’il rencontre alors. Il se fait construire à Bougival une datcha (sur le même terrain que la propriété des Viardot). Un musée Tourgueniev se trouve à Bougival.

 

Ivan Bounine (1870-1953) Coup de soleil et autres nouvelles (1926-1927).

C’est un écrivain reconnu au moment de la révolution d’Octobre 17. Très critique quant au régime bolchévique, s’exile à Paris en 1920 où il mourra. Obtient le prix Nobel de littérature en 1933. Très ami de Gorki et Tchékhov. Son œuvre est interdite en URSS et n’y est publiée qu’après la mort de Staline. Il a résidé à Grasse successivement à la villa Montfleury, à la villa Belvédère puis à la villa Jeannette ; un buste de Bounine a été érigé dans le jardin de la princesse Pauline à Grasse.

 

Anna Akhmatova (1889-1966) Solitude in Requiem écrits entre 1935 et 40 (édité en 1963 à Berlin en russe) et Le cœur perd lentement mémoire du soleil

 La censure de l’État n’a pas permis la publication de ses vers. Son célèbre poème Requiem (1935-1940), décrivant la terrible période des répressions staliniennes, a fait d’Akhmatova une voix rare des opprimés. Akhmatova n’a jamais soutenu le régime communiste, qui a ruiné sa vie. Son premier mari, le poète Nikolaï Goumilev, a été arrêté et fusillé en 1921 ; son troisième époux, l’historien de l’art Nikolaï Pounine, a été arrêté trois fois (il est mort au Goulag en 1953) ; et le fils unique d’Akhmatova, Lev Goumilev, a passé environ 15 ans dans les camps de travaux forcés pour ses opinions antisoviétiques. Pendant de longues années d’attente devant les prisons de Leningrad, elle attendra avec d’autres femmes sa libération qui n’adviendra que vingt ans après. Ces poèmes en retracent la vie quotidienne, marquée par l’attente, la tristesse et l’angoisse.

 

Boris Pasternak, (1890 – 1960) Lettre à Staline in Un poète dans son temps de Michel Aucouturier. (Editions des Syrtes 2016).

L’œuvre et la vie de Boris Pasternak (1890-1960) s’entrelacent avec les tumultes d’un pays en pleine mutation : trop poétique pour le pouvoir soviétique, Pasternak échappe de peu au goulag mais la publication de son œuvre, elle, est mise à l’index. Le Dr Jivago, son livre le plus célèbre, est publié pour la première fois en russe par un éditeur italien en 1957, et ne sera édité en Russie qu’en 1985. Et Pasternak, sous la pression des autorités, doit décliner le prix Nobel de littérature qui lui est attribué en 1958. Michel Aucouturier dépeint dans son dernier ouvrage le développement d’une œuvre sans cesse contrarié par le poids du pouvoir politique, et le prix que le poète dut malgré tout payer. (4° de couverture editions-syrtes.com)

 

Ossip Mandelstam (1891- 1938) Épigramme contre Staline : Le montagnard du Kremlin (1933)

Ce poème n’est écrit que devant le juge d’instruction de la Loubianka, où « le poète coucha ces seize lignes sur une feuille à carreaux arrachée d’un cahier d’écolier ». Et Dédicace à ses bourreaux. La survie de l’œuvre poétique de Mandelstam est un témoignage remarquable de résilience et de dévouement. Nadejda, son épouse, a joué un rôle crucial en mémorisant l’intégralité de ses poèmes. Cette méthode de préservation orale n’était pas seulement fidèle à la vision de Mandelstam sur la musicalité de la poésie, mais aussi une nécessité face à l’impossibilité de publication, aux risques de disparition de l’œuvre. Après la mort de Mandelstam, Nadejda vécut une existence précaire, menacée par le NKVD qui voulait étouffer l’héritage du poète. Pour fuir la traque des tchékistes, elle adoptera un mode de vie nomade, changeant fréquemment de lieu de résidence et d’emploi.

 

Marina Tsetaïeva (1892- 1941) exilée en France en 1922.  « Au diable tous ! Brebis soumises ! » (1934).

Elle est un témoin direct de la révolution russe de 1917. Après la Révolution elle retourne à Moscou, où elle se retrouve bloquée durant cinq ans, et où une terrible famine sévit, dont une de ses filles mourra. Par la suite, en 1925, avec son mari elle s’installe à Paris. Elle traduit Pouchkine en français. Cependant Tsvetaïeva ne se sent pas à l’aise dans le cercle des écrivains russes émigrés. En 1939, elle retourne en Union soviétique avec son fils. Elle ne peut prévoir les horreurs qui les attendent. Dans l’URSS de Staline, toute personne ayant vécu à l’étranger est suspecte. En 1941, après l’éxécution de son mari Efron pour espionnage, elle est déportée en république de Tatarie ; elle se pend le 31 août 1941 après avoir essuyé des refus à ses démarches pour trouver du travail. Après la guerre, elle est réhabilitée en 1955.

 

Lioudmila Oulitskaïa (1943) Médée et ses enfants Ed. Gallimard 1998 et Folio en 2021; traduction Sophie Benech.

Ludmila est généticienne. Elle est l’autrice de nombreux romans et nouvelles, ainsi que de plusieurs scénarios de films. Elle collabore un temps au Théâtre musical juif. Mais il lui faudra attendre le démantèlement de l’Union soviétique pour être véritablement reconnue et publiée en Russie. Dans les années 1980, elle écrit des nouvelles. En France, elle est publiée dès la fin des années 1980, chez Gallimard. Pour Sonietchka, en 1996, à Paris, elle reçoit le prix Médicis étranger, première femme à recevoir ce prix. En 2011, elle reçoit le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes.. Elle s’est exilée en 2022 en Allemagne suite à l’invasion de l’Ukraine et est classée «agent de l’étranger» par la Russie.

 

Du côté russe la fille de l’hôtesse de VersLibre, Katerine, a ouvert les lectures à voix haute avec : La Maison dans laquelle paru en 2009, un roman de l’autrice, arménienne russophone, Mariam Petrosyan aux Editions Monsieur Toussaint Louverture, en traduction française en 2016.

 

Mariam Petrosyan (1969 à Erevan): La Maison dans laquelle, Editions Monsieur Toussaint Louverture, traduction française de Raphaëlle Pache, paru en 2009 puis en 2016 pour l’édition française.

Le sujet : un étrange internat pour enfants et adolescents un peu spéciaux, qui vont vivre des aventures épiques, jusqu’à leurs dix-huit ans, l’âge de leur sortie. L’autrice est d’origine arménienne et russophone. Ce livre est traduit dans de nombreuses langues déjà.

Voici ce qu’en dit le journal Le Monde : « La Maison dans laquelle est un de ces livres-mondes où l’on s’enfonce, où l’on se perd mais c’est précisément en laissant vivre et divaguer des adolescents marginaux, malmenés par le sort, que Mariam Petrosyan réussit à capturer l’essence de cet âge intense, furieux, propice aux sentiments et aux rêves excessifs, parfait pour la littérature. »

 

Svetlana Alexievitch (1948 en Bielorussie) : La Fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement. Première parution française : 2013 Actes Sud, traduit du russe par Sophie Benech, Rééd. « Babel », 2016, Prix Médicis essai 2013. Le 8 octobre 2015, le prix Nobel de littérature lui est attribué pour « son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque »,  ce qui fait d’elle la première femme de langue russe à recevoir la distinction

Elle est née en Biélorussie et a recueilli des paroles d’anciens citoyens de l’URSS, et fait ainsi résonner des voix de centaines de témoins brisés.

 

Après cette première séance très fructueuse il nous reste à déterminer une nouvelle date pour se retrouver en 2025 !