Portrait d’Auguste Blanqui par Ernest Pignon Ernest
J’ai fait connaissance avec Auguste Blanqui au début des années 90. Les hasards de la vie m’avaient amenée à Puget-Théniers où je découvris très vite une imposante sculpture, érigée, appris-je, à la gloire d’Auguste Blanqui, un révolutionnaire du XIXe siècle qui avait passé 40 ans de sa vie en prison. Il était né à Puget-Théniers en 1805, son père étant alors Sous-Préfet des Alpes-Maritimes. Mais ce qui m’a le plus intéressée à l’époque, c’est que l’auteur de la statue, L’Action enchaînée, était Aristide Maillol, et qu’elle était la première, l’originale, fondue par le fondeur historique de l’artiste. D’autres exemplaires (dont un au musée Maillol inauguré en 1995, et une au jardin des Tuileries) existent de par le monde…la dernière, inaugurée à Banyuls-sur-Mer, un exemplaire sans bras, telle que Maillol l’aurait voulue, comme certains disent.
En 1994, à l’occasion du cinquantenaire de la mort de l’artiste, nous décidâmes, l’équipe du Foyer Rural local, Le CEPAGE, et moi-même, d’organiser une exposition en son hommage.
J’eus la grande chance d’être reçue par Dina Vierny, dernière modèle de l’artiste et dépositaire de son œuvre. Elle nous prêta trois statuettes, esquisses de l’œuvre et un buste magnifique de L’Action enchaînée, ainsi qu’une série de dessins préparatoires. Et puis elle vint au «vernissage », évoquant la joie qu’aurait éprouvée l’artiste que soit enfin reconnue son œuvre par la ville… Je pourrais en raconter encore et encore, mais le propos est bien de revenir à Auguste Blanqui, l’homme pour qui cela fut.
Anne L
Blanqui et Baudoin, l’Action enchaînée.
Quelques dessins d’Edmond Baudoin, publiés avec son amicale autorisation.
Ces dessins ont été réalisés en 1994 pour un projet d’édition accompagnant l’exposition consacrée à Aristide Maillol organisée par le Foyer Rural CEPAGE à Puget-Théniers, édition qui n’a pas vu le jour faute de moyens.
À Auguste BLANQUI par Anne L.
Comment ne pas évoquer Auguste Blanqui au moment où nous « célébrons » le cent cinquantième anniversaire de La Commune, alors même que, considéré comme trop dangereux, celui-ci fut arrêté, dans le Lot le 17 mars 1871 sur ordre de Thiers. Une fois de plus, il fut emprisonné loin de Paris. Il n’est question ici que de lui rendre hommage pour que l’Enfermé ne soit pas aussi l’Oublié.
Une simple évocation pour rappeler qu’Auguste Blanqui a une place très importante dans la construction des pensées aujourd’hui dites de gauche, toutes tendances confondues.
Puget-Théniers, commune lovée entre les montagnes de la moyenne vallée du Var dans les Alpes-Maritimes, cache sous les frondaisons de sa grand’place, entre les grilles closes du jardin d’enfants, un monument à la gloire de cet enfant du pays, né là en 1805.
Cette statue commémorative du centenaire de sa naissance, il la doit à la section locale de la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen, projet soutenu par Georges Clémenceau alors Député du Var, qui fut un ami de Blanqui (malgré leurs divergences nombreuses) et un ami du sculpteur Maillol qui réalisa l’œuvre, l’Action Enchaînée titre officiel, parfois appelée La liberté enchaînée, ou plus familièrement, comme j’ai pu l’entendre, Marianne.
Le samedi 22 mai 2021, une centaine de militants, à l’initiative des Amis de la Liberté avec le groupe « Vive la Commune 2021 » sont venus rendre hommage au révolutionnaire devant L’Action enchaînée désormais recluse entre les grilles du jardin d’enfants…
Sur son socle vous pouvez lire
Louis Auguste Blanqui (1805-1881)
Penseur, polémiste, agitateur révolutionnaire, défenseur héroïque du prolétariat
Membre de la Commune de 1871
Il paya de 40 ans d’emprisonnement sa fidélité à la cause sacrée de l’émancipation des travailleurs.
Et Eugène Pottier, (auteur des paroles de l’Internationale) poursuit par ces quelques vers
« Contre une classe sans entrailles,
Luttant pour le peuple sans pain,
Il eut vivant, quatre murailles
Mort, quatre planches de sapin »
Ces mots résument bien cette force combative, entravée mais altière, puissante et déterminée représentée par Maillol pour signifier à ceux qui pourraient l’oublier, qui fut cet homme qui donna sa liberté pour le peuple des travailleurs, des opprimés, des exploités.
L’arrivée de la statue à Puget-Théniers en 1908, placée sur le côté de l’église, fit grand bruit et alimenta les disputes entre paroissiens catholiques fervents et les non moins fervents républicains. Elle ne fut pas inaugurée, au grand désarroi de l’artiste.
Avec la guerre de 39-45, un nouvel épisode concilia la population. La statue cachée pour échapper à une fonte certaine, d’abord dans les abattoirs de Puget puis dans un entrepôt à Nice, fut réinstallée dans le champ de foire. Un monument aux morts prit tout naturellement sa place contre l’église.
Le livre de Gustave Geffroy, Blanqui l’Enfermé, réédité aux éditions de l’Amourier en 2015, paru d’abord en feuilleton en 1896 dans un journal « La lecture illustrée ».
Et de fait, la vie de Blanqui est un feuilleton passionnant, scandé par révoltes et enfermements, publications, créations de journaux et condamnations à mort puis libérations et luttes de nouveau, et toujours ce héros infatigable malgré les deuils, les maladies, les traitements dus à un prisonnier, l’amour que lui portaient ceux qu’il défendait et le respect que lui accordaient certains de ses détracteurs.
Blanqui fut de toutes les batailles de son siècle. Il combattit tous les régimes, monarchie et empire bien entendu, mais aussi la république dès lors que l’instauration du suffrage universel lui apparut comme une tromperie envers un peuple non éduqué.
Partisan de l’action plutôt que de la théorisation politique, Blanqui a toujours voulu être sincère envers le peuple.
Il en va ainsi de sa participation à la Commune de Paris dont il fut un héros invisible, emprisonné avant l’insurrection, mais bien présent en tant qu’élu dans plusieurs quartiers de la capitale. Bernard Noël dans son « À propos » de Blanqui l’Enfermé, mentionne que Marx le désigne comme « la tête et le cœur du parti prolétaire français », et Engels « le seul homme capable d’être à la tête du mouvement révolutionnaire en France ».
« Les jeunes militants qui vont diriger la Commune de Paris ont tous bénéficié de ses réflexions, de ses conseils… » (Bernard Noël in Blanqui l’Enfermé)
Libéré seulement en 1879, il fonde un dernier journal, « Ni dieu ni maître » qui diffuse ses idées. Les anarchistes reprirent ce titre comme devise de leur mouvement.
Le Vieux, comme le surnommaient ses partisans, mourut le premier janvier 1881 des suites d’une crise d’apoplexie au cours d’un meeting…
Il fut accompagné au cimetière du Père Lachaise par une foule immense. Des voix se sont levées pour qu’il fût réhabilité. Le sculpteur Dalou réalisera un très beau gisant pour son tombeau.
Blanqui était un farouche partisan de la séparation de l’Église et de l’État et favorable à une éducation laïque.
Défenseur d’une démocratie directe, sa demande est « que soit accordé au peuple le temps de s’instruire avant qu’on l’invite à voter. » (toujours dans « À propos » de Bernard Noël).
Cette demande reste d’actualité. Le chemin est encore long.
En une période où l’Enseignement et la Culture ont été si malmenés, comment ne pas trouver une actualité criante dans le texte proposé ci-dessous :
« L’estomac ne peut supporter l’abstinence. Le cerveau s’y habitue aisément au contraire. Plus il pâlit, moins il ressent le besoin. L’excès de privation ne lui donne pas l’avidité, mais le dégoût et la fatigue de la nourriture. Il ne sent pas son mal, il s’y complait même, et s’abandonne volontiers aux langueurs de cette léthargie. Si le jeûne de l’estomac cause la mort physique, celui du cerveau amène la mort intellectuelle… C’est ainsi que par une atrophie savante des facultés de l’âme, la tyrannie sait arriver à l’extinction morale d’un peuple, et le raye en quelque sorte de l’humanité. Une nation peut pardonner à ses oppresseurs la servitude, les prisons, les supplices, la misère, la faim, toutes les violences, toutes les calamités, toutes les douleurs, mais l’attentat sur un cerveau, mais l’étouffement de son intelligence, jamais, jamais, jamais ! pour un tel forfait, point de pardon possible ! »
Auguste Blanqui
Maintenant il faut des armes
Textes choisis et présentés par Dominique Le Nuz, Edition La Fabrique, février 2007, (extrait page 226)
Cité par Bernard Noël pour conclure son « À propos » à l’édition de Blanqui l’Enfermé de Gustave Geffroy, L’Amourier éditions 2015
Bonjour, et toujours merci!
Vous devenez mon dictionnaire préféré : celui de la parole engagée avec les documents, la voix, les infos sur les livres ! Ah, le musée Maillol, un lieu magique ! Les statues, oui, en ce moment est évoqué parfois à déboulonner certaines…! J’écris depuis quelques mois sur la Grande Mémoire des guerres, en m’aidant de textes d’une grande poétesse, et me suis posé cette question: pour moi, il me semble que ce sont les mots qui m’imprégnent donc les livres; dans la rue, sur les places il me semble que les statues au fil du temps elle se fondent dans le paysage, elles sont là, parfois on leur dépose une gerbe mais…!? Dans les musées, on s’y arrête pour y admirer les courbes, la matière et on passe son chemin.( on ne peut les toucher greuh!) Mais aussi des grandes rencontres comme à Calais avec Les Bourgeois et celles de Camille Claudel je les vénère, symboles d’une femme écrasée par le patriarcat, l’abandon de son « maître » ! Celle du Penseur de Rodin me représente la dérision, pauvre homme qui pense mais… qui devant lui « creuse sa pensée? » Mais certain grâce à vous: celle d’Auguste Blanqui dès que possible je vais aller un jour à sa rencontre en pensant bien à vous!
Bonne continuation, vous êtes si précieux!
En 1880, il publie le journal « Ni Dieu ni Maître » dont le titre est devenu une référence pour le mouvement anarchiste.