Bon anniversaire LOI !

Il n’est jamais trop tard pour fêter un anniversaire (un petit mois cette fois-ci !) et celui de l’instauration du prix unique du livre, dite aussi loi Lang car elle fut promulguée sous la présidence de François Mitterand et du ministre de la culture de l’époque, Jack Lang.

Cette loi permet aux libraires de défendre et maintenir la diversité culturelle au plus près de leurs lecteurs, et aux éditeurs d’offrir une gamme large et diverse d’ouvrages, entre grands formats et livres au format de poche, pour le plus grand bénéfice des lecteurs et des auteurs.

Donnons la parole à Christian Thorel, libraire ayant repris en 1976 la librairie Ombres blanches de Toulouse et lui ayant donné un essor considérable, contre toute attente, au moment aussi où se déployaient un peu partout les Fnac…

« Rien, dans aucune librairie, ne saura jamais s’opposer à la liberté de choix laissée à chacune et chacun. À quoi bon des librairies, direz-vous ? Les librairies sont les lieux privilégiés et ordonnés de la présence des livres, celle de leur matérialité et de leur lumière, sans lesquelles aucune décision n’est permise. La possibilité d’évoluer parmi eux associe au silence nécessaire des livres la parole de ceux qui en sont au quotidien les jardiniers. Appelons les libraires. »

Cette citation est tirée du Tract n°26 de la collection Tracts des éditions Gallimard : Essentielles librairies

On peut en feuilleter quelques pages en se rendant sur le site des éditions Gallimard
On peut l’acheter au modique prix de 3,90€ ou en epub à 3,49€

Personnellement ça me rappelle l’époque (les dernières années 70) où Jérôme Lindon (directeur des Editions de Minuit) avait écrit un violent pamphlet contre les Fnac. Les débats furent houleux, nombreux étaient les sceptiques sur ce prix unique du livre (La Fnac et les livres, 1978, Editions de Minuit). En voici la conclusion : « Tel est le bilan après quatre années de discount intensif sur les livres. Est-il encore temps d’enrayer l’épidémie qui, après les libraires, tuera les éditeurs indépendants et réduira les créateurs au silence et à la soumission ? Sans doute. Mais le voulons-nous vraiment ? Je ne sais : non seukement les civilisations sont mortelles mais il leur arrive parfois de se suicider. »

Christian Thorel poursuit son rappel historique : « Il faudra quelques années pour éteindre tous les feux allumés par la Fnac et la grande distribution, pour parvenir au consensus définitif sur ce qui va devenir une évidence une, une nouvelle certitude. Combien cela aura-t-il demandé d’efforts de persuasion, de figures de rhétorique ! Jérôme Lindon, profitant d’un passage à Toulouse quelques jours après le vote de l’assemblée, plus prudent que triomphateur comme à son habitude, nous assène comme un avertissement lors d’un dîner amical : la loi est fragile, beaucoup de députés l’ont votée par fidélité à Mitterand, mais nombre d’entre sont plus convaincus par le modèle de la Fnac que par celui que nous voulons défendre. Il poursuit : vous devrez, jeunes librairies, montrer votre détermination et donner des preuves. Il faut aller de l’avant ! »

Je cède la parole maintenant à Antoine Gallimard dans un éditorial paru sur le site des éditions du même nom : Il paraît, selon un sondage réalisé à l’issue du deuxième confinement, que, quarante ans après que la loi Lang a institué le prix unique du livre tel que figurant sur la couverture de chaque ouvrage, 53 % des Français âgés de plus de dix-huit ans pensent encore à tort que le prix d’un livre varie selon les régions, la période de l’année, la conjoncture économique ou les détaillants. Et cette méprise se constate chez les grands lecteurs comme chez les lecteurs occasionnels. C’est dire que cet anniversaire a toute sa raison d’être !

Eh oui ! Il nous faut donc rappeler – et pas seulement aux jeunes générations !- l’intérêt qu’a eu cette loi, l’impact qu’elle a pu avoir sur les éditeurs indépendants ainsi que les libraires indépendants … leur permettant de prendre des risques et de sortir des sentiers battus par la grande distribution et les logiques purement commerciales qui de nos jours sont celles qui nous gouvernent largement.

Anne B.

Que vive la loi unique du livre !
Association Verbes, 2021

« La loi Lindon-Lang n’a pas de prix »
photo  de Jérôme Lindon
La république des livres