N’oubliez pas notre prochain rendez-vous : la Scéne ouverte de vendredi 17 mai ; ce sera la dernière de la saison, avant de reprendre en septembre … Venez partager vos dernières lectures, vos coups de cœur ou vos déceptions.
Et nous boirons comme chaque fois le verre des amoureux de la lecture !
Pour évoquer une fois encore cette lecture «Femmes afghanes : le cri » que nous avons donnée plusieurs fois à Nice en mars et avril 2024, nous vous proposons quelques extraits enregistrés de Danser dans la mosquée d’Homeira Qaderi.
C’est l’ouvrage dans lequel nous avons le plus puisé d’extraits afin de donner une idée concrète de la réalité vécue des femmes afghanes sous le joug des talibans.
Nous vous présenterons d’autres autrices tout aussi talentueuses par la suite.
– Résumé
Homeira naît en 1980 à Hérat, en Afghanistan, dans une maison où se côtoient trois générations qui tentent de survivre tour à tour à l’occupation soviétique, à la guerre civile puis à la première prise de pouvoir des talibans. Au sein de ce foyer aimant, l’enfant chérit les livres et la liberté, se révolte contre les privilèges accordés aux hommes et contre les interdits visant les filles. Adolescente, elle va jusqu’à animer une école clandestine dans une mosquée.
Mais plus Homeira grandit, plus la vie s’assombrit. Elle accepte le mariage avec un inconnu, puis finit par fuir son pays. Elle fera de son existence un combat pour l’instruction et pour le droit des femmes.
(4eme de couverture extraits)
Danser dans la mosquée : Les talibans
Pages 84 Les talibans
C’était en novembre 1994, j’étais à peine adolescente […]
Les talibans étaient des hommes jeunes, barbus, portant les cheveux longs et du khôl aux yeux. La plupart étaient grands et maigres, et donnaient l’impression de mourir de faim. Et ils ne portaient pas de godillots, mais de vieilles sandales cabossées ou des claquettes, comme s’ils étaient venus à pied depuis Kaboul.
J’avais entendu leur nom sur la BBC, mais c’était la première fois que je les voyais. Je me souviens, je les ai découverts à travers les fissures de la porte d’entrée alors qu’ils exigeaient en hurlant que les gens se débarrassent des photos, des télévisions et des livres venus des pays des infidèles. J’ai tout de suite compris qu’ils étaient différents des autres. Non seulement ils étaient crasseux et sinistres, mais impitoyables et pleins de haine.
À Kandahar, ils n’ont pas attendu longtemps pour imposer la charia. Ils ont fermé toutes les écoles de filles et interdit aux femmes et aux fillettes de sortir de chez elles. Aucun visage ni aucune silhouette féminine ne devait apparaître en public. La burqa était désormais obligatoire ; si une femme avait une raison valable de sortir, elle devait être accompagnée par un mahram. À la moindre infraction, les contrevenantes seraient fouettées en place publique avec des câbles. Les femmes accusées d’adultère seraient lapidées ou fusillées.
Danser dans la mosquée : Les histoires
Mon fils chéri,
Ma grand-mère, Nanah-jan, (me réservait) des contes dans lesquels il n’y avait ni djinns ni baguettes magiques pour exaucer mes vœux. Ses histoires à elle étaient peuplées de monstres et de centaines de créatures différentes. […]
Elle avait plus d’histoires de monstres que de perles sur son tasbeh.
Elle me les racontait pour m’empêcher de jouer avec les garçons, de me couper les cheveux, de porter des jupes courtes, de grimper aux arbres, de parler à la voisine de l’autre côté du mur, de rire à gorge déployée et de me disputer avec elle.
Si je désobéissais, elle me menaçait sous prétexte qu’un monstre allait apparaître de nulle part […] où il ferait de moi son épouse et m’obligerait à avoir une flopée d’horribles petits ogres.
Elle était persuadée que la plus difficile des missions que le tout-puissant pouvait confier à quiconque était d’être une fille en Afghanistan. […]
Grandir sous la terreur est une douleur dont on doit arriver à sortir victorieuse puisque le mot vainqueur ne semble pas être utilisé au feminin. Mais comment si c’est en comptant sur ses seules forces ?