Jean Giono : Regain

Difficile de choisir un extrait dans ce magnifique roman.

Entrée en scène d’Arsule, la femme qui, par sa rencontre avec Panturle, l’homme seul, permettra à la vie de renaître dans cette Provence âpre et sauvage.
Il faut faire avec le vent qui rend difficile la marche et le labeur.
Il faut faire avec le vent et s’en faire un allié qui éveille et révèle la sensualité d’Arsule…

Odile

Edition Le Livre de Poche, extrait page 60/61 

Regain (extrait)

by Jean Giono, lu par Odile

« Sitôt debout et le pied dans la piste, il a fallu compter avec le vent. Il venait bien en face et il leur a plaqué sa grande main tiède sur la bouche ; comme pour les empêcher de respirer. Ils ont l’habitude ; ils ont un peu tourné la figure pour boire l’air sur le côté comme les nageurs et, de cette façon ils ont pu aller assez loin. C’est pénible mais ça va. Alors, le vent s’est mis à leur gratter les yeux avec ses ongles. Puis, il a essayé de les déshabiller ; il a presque enlevé la veste à Gédémus. Arsule tire la bricole, et, pour ça, elle s’est penchée en avant. Le vent entre dans son corsage comme chez lui. Il lui coule entre les seins, il lui descend sur le ventre comme une main ; il lui coule entre les cuisses ; il lui baigne toutes les cuisses, il la rafraîchit comme un bain. Elle a les reins et les hanches mouillées de vent. Elle le sent sur elle, frais, oui, mais tiède aussi et comme plein de fleurs, tout en chatouilles, comme si on la fouettait avec des poignées de foin ; ce qui se fait pour les fenaisons, et ça agace les femmes, oh ! Oui, et les hommes le savent bien.
Et tout d’un coup, elle se met à penser aux hommes. C’est ce vent aussi qui fait l’homme depuis un moment. »