En rapport avec la lecture scénique « Voix de femmes iraniennes » nous retrouvons – étonnamment – Victor Hugo … oui notre bien aimé Hugo a déjà quelque chose à dire sur le voile … en 1829 ! dans le recueil Les Orientales .
On peut supposer que ce n’est pas par cynisme qui’l met en scène une jeune fille et ses frères lui reprochant d’avoir laissé échapper son voile … ou dépasser une mèche comme Masha Amini en septembre dernier, ce qui a conduit la malheuresue à mourir sous les coups des tortionnaires iraniens.
La période de ce début du XIXème siècle en France est à la mode de l’orientalisme avec toutes les confusions que l’on peut imaginer et les fantasmes pour beaucoup ; en témoignent les arts plastiques et la poésie.
Victor Hugo (1802-1885) Le voile
Recueil : Les orientales (1829).
La sœur
Qu’avez-vous, qu’avez-vous, mes frères ?
Vous baissez des fronts soucieux.
Comme des lampes funéraires,
Vos regards brillent dans vos yeux.
Vos ceintures sont déchirées.
Déjà trois fois, hors de l’étui,
Sous vos doigts, à demi tirées,
Les lames des poignards ont lui.
Le frère aîné
N’avez-vous pas levé votre voile aujourd’hui ?
La sœur
Je revenais du bain, mes frères,
Seigneurs, du bain je revenais,
Cachée aux regards téméraires
Des giaours et des albanais.
En passant près de la mosquée
Dans mon palanquin recouvert,
L’air de midi m’a suffoquée :
Mon voile un instant s’est ouvert.
Le second frère.
Un homme alors passait ? un homme en caftan vert ?
La sœur.
Oui… peut-être… mais son audace
N’a point vu mes traits dévoilés…
Mais vous vous parlez à voix basse,
A voix basse vous vous parlez.
Vous faut-il du sang ? Sur votre âme,
Mes frères, il n’a pu me voir.
Grâce ! tuerez-vous une femme,
Faible et nue en votre pouvoir ?
Le troisième frère.
Le soleil était rouge à son coucher ce soir.
La sœur.
Grâce ! qu’ai-je fait ? Grâce ! grâce !
Dieu ! quatre poignards dans mon flanc !
Ah ! par vos genoux que j’embrasse…
Ô mon voile ! ô mon voile blanc !
Ne fuyez pas mes mains qui saignent,
Mes frères, soutenez mes pas !
Car sur mes regards qui s’éteignent
S’étend un voile de trépas.
Le quatrième frère.
C’en est un que du moins tu ne lèveras pas !
Le 1°septembre 1828.
Merci , c’est magnifiquement cruel mai si nécessaire! Souvent, de nos jours, « il ne faut pas faire de vagues » , ou c’est le déballage médiatique et surtout vivre au présent !
Cher Hugo, nos racines, nos joies et nos peines, citoyen et poète, romancier! Un vrai terreau.
Vraiment votre dictionnaire des émotions m’est toujours essentiel !