Nous devions prendre le thé, cette année encore, avec Katherine Mansfield aux Jardins du Val Rahmeh à Menton, mais cette rencontre a été annulée…
Annulée ? non, pas vraiment puisque nous vous proposons quelques extraits de cette lecture. Et nous avons quand même le projet de le prendre ce thé, mais dans un autre jardin, privé, cette fois, chez l’habitant, comme on dit.
Promis, on ne vous oubliera pas quand la date sera connue !

Musiques : Erik Satie, Gymnopédies 1,2 et 3
Par Jean-Joël Barbier, éditions ACCORD, 1985

Lettre à son mari (extrait), septembre 1920

by Katherine Mansfield, lu par Anne B.

Oui, je crois que le midi de la France vous paraîtrait agréable. Je serais heureuse d’y rester des années. Je l’aime vraiment comme je n’ai jamais aimé aucun pays, sauf le mien. Ma petite maison jaune clair, avec le mimosa qui pousse devant et qui est d’un jaune tout juste un peu plus soutenu, le jardin plein de plantes, la terrasse aux piliers ocres qui s’effritent et que recouvrent des feuillages, retraite des lézards, tout cela fait partie d’un tableau ou d’une histoire. La maison a sa façade sur la mer ; mais vers la droite, il y a la vieille ville avec son petit port, un quai minuscule, planté de poivriers et de platanes. Cette vieille ville, bâtie tout contre le coteau, muraille solide, dirait-on, de forme et de couleur, est la plus jolie chose que j’ai jamais vue.

La villa Louise

by Katherine Mansfield, lu par Marie-Pierre

Je viens d’aller à la villa Louise, où j’ai dérobé trois citrons énormes et fait la causette avec le jardinier qui vient ici le vendredi pour mettre des fleurs autour du palmier.

Cet homme m’a dessiné une plate-bande sur le gravier, puis après m’avoir dit le nom des fleurs, il me les a décrites. C’était vraiment terrifiant de l’entendre.

Il s’efforçait de décrire leur parfum….  « C’est un parrr-fum » et il rejetait la tête en arrière, se mettait le pouce et l’index sous le nez, aspirait longuement, et tout à coup faisait explosion avec une sorte de Aaahhh ! en tombant presque à la renverse comme s’il s’évanouissait ; puis en me parlant des pâquerettes il a dit :
« Ce sont de toutes petites fleurs qui se regardent comme si elles disaient : c’est moi qui suis plus jolie que toi ! »

Oh, je me demande, après tout, si c’est si merveilleux que cela. Je me suis assise sur un banc et j’ai senti comme de grands flots de santé me traverser le corps. Penser que cet homme sent ainsi ces choses, qu’il y répond de cette façon, tout en riant et en vous cueillant un bouton de rose pendant qu’il vous parle !

J’ai songé alors aux pauvres employés d’autobus et de métro et à la laideur de ce Londres humide et sombre.
Ce n’est pas juste. Les êtres doués de la moindre sensibilité ne devraient pas vivre là.

Lettre à JM Murry (extrait), 30 septembre 1920

by Katherine Mansfield, lu par Betty

Il y a aussi un nid de guêpes dans le jardin. Ce matin, deux jeunes guêpes en sont sorties, ont attrapé une feuille, chacune par un bout, et se sont mises à tirer dessus. C’était une feuille brune, large environ comme trois feuilles de thé. Elles sont devenues furieuses. Elles pleurnichaient, geignaient , cherchaient à se l’arracher avec obstination, puis finalement l’une d’elles a fait la culbute sans pouvoir  se redresser – elle ruait de toutes se forces. Je n’ai jamais rien vu de pareil. Sa jumelle, alors, s’est montrée totalement incapable de faire bouger la feuille.

A suivre…