En avant-première du printemps des poètes, cette année sur le thème des Frontières, voici un texte lu par Anne L. que vous pourrez retrouver si vous venez à la Trinité
Ce texte « Quand s’ouvre la porte de l’avion» est un extrait tiré d’Itinéraire indien de l’écrivain et journaliste italien Giorgio Manganelli né à Milan en 1922 et mort à Rome en 1990.
L’Itinéraire indien rassemble les notes de Giorgio Manganelli ramenées de son premier voyage en Inde.
Dans ce récit, il évoque l’étonnante attraction de ce pays où les plus violents contrastes coexistent tranquillement.
«L’Inde», écrit Manganelli, «prive ses visiteurs de ses repères, de ses certitudes et de sa souveraineté». En effet, troublé par ce pays, il s’efforcera de mieux le comprendre en se laissant porter par ses villes et ses habitants. Ses observations et ses réflexions sont dénuées de tout cliché et donnent une image suggestive de ce pays mystérieux. (source Babelio)
L'itinéraire indien de G. Manganelli
Quand s’ouvre la porte de l’avion
La porte de l’avion – la maison volante et protectrice est dotée d’une porte – s’ouvre lentement. Dehors, à cinq heures du matin, il fait encore nuit, les projecteurs habituels évoquent un film de gangsters ; mais l’air qui envahit la carlingue et m’enveloppe tandis que je descends la passerelle m’annonce que je suis ailleurs. Je connais cet air, je le renifle et il me renifle ; c’est l’air des tropiques, humide, doux, réchauffé par la macération des herbes, des animaux, des égouts à l’air libre, aigri par un relent d’urine, de bêtes en captivité ; c’est un air qui m’émeut, m’excite par sa décomposition et son ingénuité, sa lourdeur génératrice de champignons, de moisissures, de mousse ; voilà l’air de l’Inde, sale et vital, purulent et douceâtre, putréfié et infantile.
On peut jouer avec cet air, mourir dans cet air, quoi qu’il en soit il est envahissant, il compte les doigts de vos mains, vous touche la nuque, vous caresse comme la langue d’un animal à peine sorti des bois, plus curieux que gourmand. On a l’impression de plonger dans un marais d’air. L’Europe disparait derrière moi.(…) Je suis en Inde, au seuil d’une maladie continentale, d’un lieu dont la première bouffée d’air me parle de décomposition et d’immortalité, de lèpre et d’idoles.
incomparable : paradoxes émouvants, saveurs, odeurs, contrastes des mots, le voyage dans une atmosphère d’un autre pays…
Merci pour la découverte toujours…