Michèle Audin, La semaine sanglante

Michèle AUDIN   La semaine sanglante   Editions Libertalia 2021

Extraits p. 14-15

L’assemblée communale élue prit le nom de Commune de Paris. Ce fut un mouvement si populaire que la plupart de ses protagonistes en sont restés inconnus. Cette assemblée essaya de légiférer – vers une république « démocratique et sociale » – alors même que Paris était attaqué par l’armée que Thiers formait à Versailles. (…)

Une abondante légende dorée de la Commune n’en finit pas de donner des arguments à ses adversaires. Malheureusement, il arrive aux « défenseurs » de la Commune de répéter ces légendes – et d’y croire. Aux origines de cette légende dorée, il y a, d’abord, l’ambiguïté de l’expression « la Commune », qui désigne à la fois l’assemblée communale qui siège à l’Hôtel de Ville, la période (18 mars-28 mai) et l’ensemble du mouvement politique qui s’y déroule.

Un peu de chronologie

Le gouvernement a fui à Versailles, à la suite d’Adolphe Thiers, le « chef de l’exécutif», le 18 mars. Il engage la guerre contre Paris dès le 2 avril. « La Commune », c’est-à-dire l’assemblée communale élue le 26 mars à Paris, riposte le 3 avril – en réalité ce sont quelques chefs militaires qui prennent la décision -par une « sortie torrentielle » de 40 000 hommes vers Versailles, mal (ou pas) préparée, mal organisée – et catastrophique.

Le 4 avril en début d’après-midi, Thiers peut télégraphier à tous les préfets de France que l’armée versaillaise a fait 1500 prisonniers (l’af­fiche est reproduite dans Les Murailles politiques fran­çaises). Elle fait surtout de nombreux morts, d’autant plus que, contrairement aux lois de la guerre – mais les gardes nationaux «communards» de Paris ne sont pas considérés comme des belligérants – et, dans une sorte de prologue à ce que sera la Semaine sanglante, elle exécute de nombreux prisonniers, parmi lesquels Emile Duval et Gustave Flourens, deux personna­lités fort dissemblables mais adulées par les quartiers populaires qui les ont élus à la Commune.

Depuis, Paris, assiégé, se défend contre l’armée versaillaise à l’ouest et au sud, sur les fortifications et dans les forts, qui en sont une protection avancée. C’est un deuxième siège, après le siège par l’armée prussienne subi par la ville de septembre à janvier

–  et l’armée prussienne est toujours présente, occupant les forts du nord et de l’est.

Du 2 avril au 20 mai, les positions comme les moyens des fédérés (comme on appelle les gardes nationaux de la Commune) s’affaiblissent de jour en jour – dans un incontestable désordre mais aussi avec un immense courage.

Ces combats sanglants entrent dans Paris avec l’armée versaillaise le dimanche 21 mai – par le Point-du-Jour, près de la porte de Saint-Cloud. C’est la date à laquelle commence ce que l’on appelle aujourd’hui la « Semaine sanglante ». L’heure exacte de l’entrée des versaillais diffère selon les auteurs. C’est l’après-midi, en tout cas.

En quelques jours, plus de 100 000 soldats entrent dans la ville.

La Commune défend Paris par un réseau de barri­cades que les versaillais prennent ou parfois tournent dans une inexorable avancée vers l’est. Il faut le dire, dès qu’elle est entrée dans Paris, l’armée versaillaise commence à tuer des prisonniers. À la guerre des rues s’ajoute, dans les lieux conquis, une répression féroce : ce sont les massacres à proprement parler.

Voici une brève chronologie-géographie de la semaine :

– dimanche 21 mai : les versaillais entrent l‘après-midi. Au matin du lundi, ils ont déjà conquis une bonne partie des quartiers ouest, de la porte Dauphine à la porte Brancion, incluant le Champ-de-Mars.

– lundi 22 : Les versaillais continuent leur avance, le soir ils ont fini de conquérir le XVI^e, le XVII^e, le VIII^e, sur la rive gauche, l’École militaire et les Invalides;

– mardi 23 : Montmartre est pris, ainsi que la gare Montparnasse. Premiers massacres en bloc. Paris s’embrase

– mercredi 24 : Les membres de la Commune evacuent l’Hôtel de Ville vers la mairie du XI^e. Le Panthéon est pris, la Madeleine, les Tuileries et la gare du Nord aussi. Les versaillais fusillent les Parisiens en masse. Les fédérés fusillent six otages

– jeudi 25 : Toute la rive gauche est aux mains des versaillais. Mort de Delescluze. Abandon de la mairie du XI^e

– vendredi 26 : Il ne reste à la Commune que les XIX^e et XX^e arrondissements, la moitié du XI^e et la moitié du XII^e.

La résistance se concentre à Belleville. Quarante-huit otages sont fusillés rue Haxo.

– samedi 27 : Tout le XX^e est envahi. Le Père-Lachaise est pris

– dimanche 28. La bataille finit à 11 heures du matin

-lundi 29 : le fort de Vincennes est rendu.