Un poème proposé et un souvenir partagé par Anne L.
Retrouvailles avec Antonio Machado, poète espagnol dont les mots, avec ceux de Federico Garcia Lorca et Miguel De Unamuno, faisaient vibrer nos cœurs jusqu’aux larmes, lorsque notre professeur d’espagnol à l’Institution Montaigne à Vence, en classe de première et terminale, nous lisait les poèmes à voix haute…

«Il est des voix que la distance avive, arrache, dirait-on, aux mille échos momentanés du jour, pour nous les rendre plus poignantes, austères et comme énigmatiques dans le silence neuf où elles surgissent. L’œuvre poétique d’Antonio Machado, accessible enfin au lecteur de langue française, participe de ce destin tout à la fois superbe et redoutable. » (…)
Claude Esteban.

 Pourquoi ne pas évoquer, même si nous sommes en août, des événements qui ont salué la mémoire du grand poète espagnol en février dernier à Collioure, où celui-ci est enterré :
Le 22 février 1939, mourait le poète espagnol, Antonio Machado, à Collioure (Pyrénées orientales), « chassé par l’invasion étrangère, usé par les privations, il n’a pu résister aux fatigues de l’exode », titre le journal Le soir.
Les obsèques ont lieu le lendemain même à Collioure en présence du maire et d’une foule de réfugiés, d’admirateurs et d’amis du poète.

A Collioure Machado a écrit un seul vers, retrouvé dans une poche de son pardessus : « Estos Dias azules y este sol de la infancia» (Ces jours d’azur et ce soleil de l’enfance).
Des dizaines de milliers de visiteurs viennent chaque année se recueillir sur la tombe du poète et de sa mère Ana Ruiz.
Si vous voulez en savoir davantage sur ce qui s’organise autour du souvenir de ce grand poète, consultez le site de la Fondation Antonio Machado
http://www.machado-collioure.fr/

Voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant

Jamais je n’ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire des hommes
Laisser mes chansons
Mais j’aime les mondes subtils
Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.

J’aime les voir s’envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre,
Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.

À demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre ?

Chantez en cœur avec moi :
Savoir ? Nous ne savons rien
Venus d’une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n’enseigne rien, lumière n’éclaire pas
Que disent les mots ?
Et que dit l’eau du rocher ?

Voyageur, le chemin
C’est les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler

Antonio Machado, poète espagnol (1875-1939). Poème extrait de Champs de Castille
précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Trad. de l’espagnol par Sylvie Léger et Bernard Sesé. Préface de Claude Esteban
Collection Poésie/Gallimard (n° 144), 312 pages
Éditions GALLIMARD (13/01/1981)