Un animal insignifiant

Dans le premier chapitre de « Sapiens, une brève histoire de l’humanité », Yuval Noah Harari remet l’Homme à sa place d’« Un animal insignifiant » et dresse un résumé saisissant de l’Evolution  jusqu’à la première Révolution de l’espèce humaine.

En voici quelques extraits choisis.

Yuval Noah Harari, « Sapiens, une brève histoire de l’humanité »

Editions Albin Michel, 2015

Musique : Jean Goeffroy, marimbas – J.S. Bach, suite numéro 2 

Sapiens - Un animal insignifiant - Le début de l'histoire

par Yuval Noah Harari, lu par Benoit

Il y a environ 13,5 milliards d’années, la matière, l’énergie, le temps et l’espace apparaissaient à l’occasion du Big Bang.[…]

Environ 300 000 ans après leur apparition, la matière et l’énergie commencèrent à se fondre en structures complexes, appelées atomes, lesquels se combinèrent ensuite en molécules. […]

Voici près de 3,8 milliards d’années, sur la planète Terre, certaines molécules s’associèrent en structures particulièrement grandes et compliquées : les organismes. […]

Voici près de 70 000 ans, des organismes appartenant à l’espèce Homo sapiens commencèrent à former des structures encore plus élaborées : les cultures. Le développement ultérieur de ces cultures humaines est ce qu’on appelle l’histoire.

Trois révolutions importantes infléchirent le cours de l’histoire. La Révolution cognitive donna le coup d’envoi à l’histoire voici quelques 70 000 ans. La Révolution agricole l’accéléra voici environ 12 000 ans. La Révolution scientifique, engagée voici seulement 500 ans, pourrait bien mettre fin à l’histoire et amorcer quelque chose d’entièrement différent. Ce livre raconte comment ces trois révolutions ont affecté les êtres humains et les organismes qui les accompagnent.

Sapiens - Un animal tellement différent ?

par Yuval Noah Harari, lu par Benoit

Ce qu’il faut avant tout savoir des hommes préhistoriques, c’est qu’ils étaient des animaux insignifiants, sans plus d’impact sur leur milieu que des gorilles, des lucioles ou des méduses. Les biologistes classent les organismes en espèces.[…]

Homo sapiens appartient lui aussi à une famille d’espèces. Un fait banal, qui a été l’un des secrets les mieux gardés de l’histoire. Homo sapiens a longtemps préféré se croire à part des autres animaux : un orphelin sans famille, privé de frères et sœurs et de cousins et, surtout, sans parents. Or, ce n’est pas le cas. Qu’on le veuille ou non, nous sommes membres d’une grande famille particulièrement tapageuse : celle des grands singes. […]

Homo sapiens a caché un secret encore plus dérangeant. Non seulement nous avons pléthore de cousins peu civilisés, mais nous avions aussi jadis bon nombre de frères et sœurs. Nous avons pris l’habitude de nous considérer comme les seuls humains parce que, au cours des 10 000 dernières années, notre espèce a bel et bien été la seule espèce humaine dans les parages. Pourtant, le sens réel du mot « humain » est « animal appartenant au genre Homo », et il y a eu beaucoup d’autres espèces de ce genre en plus d’Homo sapiens.

La vérité est qu’entre voici deux millions d’années et 10 000 ans, le monde a hébergé, en même temps, plusieurs espèces humaines. 

Homos

Sapiens - Un animal insignifiant mais sociable

par Yuval Noah Harari, lu par Benoit

En dépit de leurs multiples différences, toutes les espèces [humaines] partagent plusieurs caractéristiques marquantes. La plus notable est la taille extraordinaire du cerveau en comparaison de celui des autres animaux. […]

Aujourd’hui, nos gros cerveaux donnent de bons résultats car nous savons produire des voitures et des fusils, qui nous permettent d’aller plus vite que les chimpanzés et de les abattre à bonne distance au lieu de lutter avec eux. […]

Un autre trait humain singulier est que nous marchons redressé, sur deux jambes. Debout, il est plus facile de scruter la savane, de guetter le gibier ou l’ennemi, tandis que les bras, devenus inutiles pour la locomotion, sont libérés à d’autres fins : lancer des pierres ou des signaux, par exemple. Plus ces mains pouvaient faire de choses, plus leurs propriétaires connaissaient de réussite, de sorte que la pression évolutive s’est traduite par une concentration croissante de nerfs et de muscles tout en délicatesse dans les paumes et les doigts. […]

En comparaison d’autres animaux, les humains naissent prématurés, alors que nombre de leurs systèmes vitaux sont encore sous-développés. […]

Avec leurs enfants accrochés à leurs basques, les mères solitaires ne pouvaient guère trouver assez de nourriture pour leurs rejetons et pour elles-mêmes. Élever des enfants nécessitait l’aide constante des autres membres de la famille et des voisins. Il faut une tribu pour élever un homme. Ainsi l’évolution favorisa-t-elle ceux qui sont capables de nouer de robustes liens sociaux. 

Sapiens - Un prédateur sans pareil ?

par Yuval Noah Harari, lu par Benoit

Les humains qui vivaient voici un million d’années, malgré leurs gros cerveaux et leurs outils de pierre tranchants, connaissaient la peur constante des prédateurs, du gros gibier rarement chassé, et subsistaient surtout en cueillant des plantes, en ramassant des insectes, en traquant des petits animaux et en mangeant les charognes abandonnées par d’autres carnivores plus puissants. […]

Tout récemment encore, le genre Homo se situait au beau milieu de la chaîne alimentaire. Des millions d’années durant, les êtres humains ont chassé des petites créatures et ramassé ce qu’ils pouvaient, tout en étant eux-mêmes chassés par des prédateurs plus puissants. […]

Le feu a ouvert le premier gouffre significatif entre l’homme et les autres animaux. […]

Domestiquant le feu, les hommes s’emparèrent d’une force obéissante et potentiellement illimitée. […]

Malgré les bénéfices du feu, les humains d’il y a 150 000 ans étaient encore des créatures marginales.[…] 

Notre propre espèce, Homo sapiens, était déjà présente sur la scène mondiale, mais jusque-là elle se mêlait de ses affaires dans un coin de l’Afrique. […]

Il semble que, voici 50 000 ans environ, Sapiens, Neandertal et Dénisoviens […] étaient des espèces presque entièrement séparées, mais pas tout à fait.

 Mais, si les Neandertal, les Dénisoviens et autres espèces humaines n’ont pas été purement et simplement assimilés par les Sapiens, pourquoi ont-ils disparu ? Une possibilité est que l’Homo sapiens les ait poussés à l’extinction. Imaginez une bande de Sapiens arrivant dans une vallée des Balkans habitée depuis des centaines de milliers d’années par des Neandertal. Les nouveaux venus se mirent à chasser le cerf et à ramasser les noix et les baies qui étaient la nourriture de base traditionnelle des Neandertal. Forts de meilleures techniques et de compétences sociales supérieures, les Sapiens étaient des chasseurs et des cueilleurs plus efficaces, ce qui leur permit de se multiplier et d’essaimer. Moins doués, les Neandertal eurent alors de plus en plus de mal à se nourrir. Leur population s’amenuisa jusqu’à dépérir lentement, hormis, peut-être, un ou deux membres qui rejoignirent leurs voisins Sapiens.
Une autre possibilité est que la concurrence autour des ressources ait dégénéré en violences et en génocide. La tolérance n’est pas une marque de fabrique du Sapiens […]

Il se peut fort bien que la rencontre des Sapiens et des Neandertal ait donné lieu à la première et la plus significative campagne de nettoyage ethnique de l’histoire. […]

Au fil des 10 000 dernières années, Homo sapiens s’est si bien habitué à être la seule espèce humaine que nous peinons à envisager toute autre possibilité. Faute de frères et sœurs, il nous est plus facile de nous imaginer comme la quintessence de la création, séparée du reste du règne animal par un gouffre béant. […]

Qu’il faille ou non les en blâmer, les Sapiens n’étaient pas plutôt arrivés quelque part que la population indigène s’éteignait. Les derniers restes d’Homo soloensis datent d’environ 50 000 ans. L’Homo denisova disparut peu après, il y a quelque 40 000 ans. Les Neandertal quittèrent la scène voici près de 30 000 ans. Les derniers nains humains ont disparu de l’île de Florès il y a environ 12 000 ans. Ils laissèrent derrière eux des os, des outils de pierre, quelques gènes de notre ADN, et une foule de questions sans réponse. Ils ont aussi laissé derrière eux Homo sapiens, la dernière espèce humaine : nous.

« Il est douteux qu’Homo sapiens soit encore dans les parages dans un millénaire. Alors deux millions d’années est tout à fait inconcevable ! »

 

Ami des Mots, ce livre m’a passionné !

L’histoire ne fait que commencer ; veux-tu connaître la suite ?

Benoit