Tableau : Mondrian,  Arbre

       Ce matin, comme un vieux sage, le tilleul s’est incliné vers moi et je crois pouvoir le dire : nous avons échangé quelques mots. L’été, son feuillage immense contient tous les chants des oiseaux. C’est cela qu’il a voulu me dire ce matin, me tendre sa froide solitude car il n’y a ni chant ni soleil en ce début d’hiver. Passant l’un près de l’autre, sans même se toucher, nous nous sommes donnés un peu de chaleur. Il est nu sans ses feuilles mais il ne se plaint pas. Il est tout à la tâche d’être là tout bonnement. Il laisse couler la rivière des jours entre ses branches. Il m’attend sans m’attendre. Il est toujours là, présent pour nous tous. En cela plus fidèle, bien plus fidèle qu’un ami. Combien je fais piètre figure à côté de lui !

 L’arbre est maigre ces jours. Les oiseaux et les feuilles l’ont laissé dans un tel état d’abandon ! Il paraît crier un peu au secours avec ses branches chétives dansant devant mes fenêtres.  Je marche avec l’ami sur la neige, courant après nos ombres. « Pourquoi parles-tu autant d’enfants et d’oiseaux dans tes livres ? ». Si je traduis sa pensée : pourquoi es-tu aussi naïf ? Je réfléchis un court instant tout en regardant des moineaux frissonner sur un mur et lui réponds à voix basse : « eux ne m’ont jamais trahi. Jamais ».