Nous réunissons à nouveau les talents des militants d’Amnesty International  « Vallées des Paillons«  avec ceux des lecteurs et lectrices des « Mots à la Bouche »

Durant tout le mois de janvier, les militants Amnesty réalisent des actions d’éducation aux droits humains dans les écoles et centres de loisirs de l’Escarène, et une exposition se tient dans la Chapelle des Pénitents Noirs.

Pour clôturer cet événement, nous présentons vendredi 26 janvier 2024 dans la belle salle l’Escale de l’Escarène notre lecture scénique « le droit d’être un enfant« , un spectacle gratuit mêlant extraits littéraires et musicaux illustrant les droits fondamentaux des enfants ; le spectacle est soutenu par un diaporama qui inclut des réalisations d’enfants de Contes et de l’Escarène.

A très bientôt !

Voici un texte du spectacle, extrait du livre « Petit Pays » de Gaël Faye, en évocation du droit à l’éducation, un des 12 droits fondamentaux des enfants définis dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

Un après-midi, j’ai croisé par hasard Mme Economopoulos devant sa haie de bougainvilliers. On a échangé quelques mots sur la saison des pluies et le beau temps, puis elle m’a invité à entrer dans sa maison […]. Dans son grand salon, mon regard a tout de suite été attiré par la bibliothèque lambrissée qui couvrait entièrement un des murs de la pièce. Je n’avais jamais vu autant de livres en un seul lieu. Du sol au plafond.

– Vous avez lu tous ces livres ? j’ai demandé.

– Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m’échapper. Ils m’ont changée, ont fait de moi une autre personne.

– Un livre peut nous changer?

– Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.

Mes doigts couraient sur les rayonnages, caressaient les couvertures, leur texture si différente les unes des autres. J’énonçais en silence les titres que je lisais. Mme Economopoulos m’observait sans rien dire, mais alors que je m’attardais particulièrement sur un livre, intrigué par le titre, elle m’a encouragé.

– Prends-le, je suis sûre qu’il te plaira.

Ce soir-là, avant d’aller au lit, j’ai emprunté une lampe torche […]. Sous les draps, j’ai commencé à lire le roman, l’histoire d’un vieux pêcheur, d’un petit garçon, d’un gros poisson, d’une bande de requins… Au fil de la lecture, mon lit se transformait en bateau, j’entendais le clapotis des vagues taper contre le bord du matelas, je sentais l’air du large et le vent pousser la voile de mes draps.

Le lendemain, j’ai rapporté le livre à Mme Economopoulos.

– Tu l’as déjà terminé ? Bravo, Gabriel ! Je vais t’en prêter un autre.

La nuit d’après, j’entendais le bruit des fers qui se croisent, le galop des chevaux, le froissement des capes de chevaliers, le froufrou de la robe en dentelle d’une princesse.

Un autre jour, j’étais dans une pièce exiguë, caché avec une adolescente et sa famille, dans une ville en guerre et en ruines. Elle me laissait lire par-dessus son épaule les pensées qu’elle couchait dans son journal intime. Elle parlait de ses peurs, de ses rêves, de ses amours, de sa vie d’avant. J’avais l’impression que c’était moi dont il était question, que j’aurais pu écrire ces lignes.

Chaque fois que je lui rapportais un livre, Mme Economopoulos voulait savoir ce que j’en avais pensé. Je me demandais ce que cela pouvait bien lui faire. Au début, je lui racontais brièvement l’histoire, quelques actions significatives, le nom des lieux et des protagonistes. Je voyais qu’elle était contente et j’avais surtout envie qu’elle me prête à nouveau un livre pour filer dans ma chambre le dévorer.

Et puis, j’ai commencé à lui dire ce que je ressentais, les questions que je me posais, mon avis sur l’auteur ou les personnages. Ainsi je continuais à savourer mon livre, je prolongeais l’histoire. J’ai pris l’habitude de lui rendre visite tous les après-midi. Grâce à mes lectures, j’avais aboli les limites de l’impasse [où je vivais], je respirais à nouveau, le monde s’étendait plus loin, au-delà des clôtures qui nous recroquevillaient sur nous-mêmes et sur nos peurs.

Retrouvez-nous « en live », avec des extraits de chansons et de textes de Gaël Faye, Véronique Olmi, Annie Ernaux, Tahar Ben Jelloun, Victor Hugo, Pierre Perret, Leny Escudéro, les Kids United et bien d’autres, à l’Escarène vendredi 26 janvier à 19h, salle l’Escale.