Fresque Nathalie Le Mel à Brest par Laetitia Rouxel
Nathalie Le Mel
NATHALIE LEMEL 1826 / 1921
D’après Eugène Kerbaul : Nathalie Le Mel, Une Bretonne révolutionnaire et féministe. Éditions Le Temps des Cerises, mars 2021
Moins connue du grand public que son amie Louise Michel, Nathalie Le Mel, bien que n’ayant laissé aucun écrit, fut l’une des femmes qui jouèrent un rôle important pendant la Commune, pionnière du féminisme en milieu populaire et du syndicalisme ouvrier.
Sa Famille
Nathalie Duval naît à Brest en 1826, est scolarisée jusqu’à l’age12 ans, En1849 elle épouse Jérôme Le Mel, ouvrier relieur, Nathalie apprend le métier.
En1861, contraint de quitter la Bretagne, le couple va à Paris chercher du travail
La Militante
Dès son arrivée, elle travaille dans un atelier de reliure : « elle s’occupait de politique, elle lisait à haute voix les mauvais journaux dans les ateliers » d’après le rapport de police
En Août 1864, sous l’égide d’Eugène Varlin, les ouvriers relieurs se mettent en grève et en 1865 Nathalie Le Mel adhère à l’Internationale, créée un an plus tôt à Londres, et fait partie du comité de grève, Elle devient déléguée syndicale. Avec Eugène Varlin elle se bat pour la parité des salaires, victoire importante pour les femmes de ce métier, malheureusement l’exemple ne sera pas suivi ailleurs.
Avec Varlin et d’autres relieurs elle participe à la création de la « Ménagère » coopérative d’alimentation et à « La Marmite » restaurant ouvrier qui comptera 4 établissements pour 8000 ouvriers, Varlin la nomme secrétaire, il voulait une ouvrière pour remplir ce rôle. …/…
Club de Saint-Nicolas-des-Champs où les femmes, après un refus initial de leur droit à la parole, contribuent fortement aux combats. L’Illustration, 20 avril 1871.
Le Virginie sur lequel embarquèrent pour la Nouvelle Calédonie N. Le Mel et L. Michel
La Communarde
Dès le début, Nathalie est très active dans les clubs de femmes. Avec Élisabeth Dmitrieff elles fondent l‘Union des femmes pour la Défense de Paris et de soins aux blessés, et le 11 Avril elle fait partie du Comité central. On voit alors la création d’ateliers autogérés, de propositions pour le développement de la scolarisation féminine, l’égalité des salaires, l’essor du mouvement syndical,
Le 26 Mars, élection du Conseil de la Commune, La Commune est proclamée le 27 Mars et administre Paris jusqu’à la semaine sanglante.
Le 8 Avril une affiche signée : un groupe de femmes dont Nathalie Le Mel est placardée : » Citoyennes le gant est jeté il faut vaincre ou mourir ».
« L’Organisation des Femmes travailleuses, l’amélioration de leur sort, la lutte contre le chômage voilà avec la lutte contre les versaillais la préoccupation dominante de l’Union Des Femmes c’est dans ce domaine que se développe l’activité de Nathalie » note Jean Brulat spécialiste de la Commune.
Un témoin rapporte lors de son procès qu’à la réunion du Club de la Délivrance, tenue le 12 Mai 1871 en l ‘église de la Trinité elle aurait lancé « Nous arrivons à un moment où il faut mourir pour la patrie ! Plus de défaillance ! Plus d’incertitude ! Toutes au combat ! Toutes au devoir ! Il faut écraser Versailles ».
Le 21 Mai les Versaillais entrent dans Paris, la semaine sanglante est engagée jusqu’au 28 Mai avec l’ultime combat au cimetière du Père – Lachaise.
Le 23 Mai 1871 avec 120 femmes Nathalie Le Mel tient pendant quatre heures la barricade de la Place de la Bastille face aux troupes, puis se replient sur la Place Pigalle, un rapport de police précise : « à la tête d’un bataillon d’une cinquantaine de femmes elle a conduit la barricade de Pigalle et plus loin (…) y a arboré un drapeau rouge (…) « vous êtes des lâches , si vous ne défendez pas les barricades nous les défendrons » crie-t-elle aux gardes nationaux.
Un témoin au tribunal militaire décrit Nathalie Le Mel : « Sa figure m’a frappé car elle était seule âgée au milieu d’un groupe de jeunes filles, toutes armées de fusils et portant des brassards d’ambulancières ainsi que des écharpes rouges ». En plus de se battre elle soigne les blessés. …/…
Affiche de l’appel aux ouvrières, le 18 mai 1871 (noter la signature d’Elisabeth Dmitrieff, révolutionnaire russe envoyée par Karl Marx pour suivre les évènements de la Commune). Bibliothèque Marguerite Durand.
Après la défaite de la Commune
le Conseil de Guerre la condamne à la déportation en enceinte fortifiée et à l ‘enfermement au bagne de Nouvelle Calédonie.
Elle refuse la grâce demandée pour elle par ses amis, elle est embarquée, bien qu’un docteur eut constaté son déplorable état de santé, à bord de La Virginie, dans le même convoi que Louise Michel et Henri Rochefort.
La traversée dure 100 jours, toutes deux refusent la séparation du lieu de déportation des femmes. Elles débarquent le 14 Décembre sur la presqu’île Ducos, et partagent la même cabane. « C‘est très triste pour Madame Le Mel qui ne peut guère marcher tant elle est souffrante » écrira Louise Michel.
Le bagne dure 6 ans, ce n’est que le 20 Juin 1879 qu’elle regagne la France à bord du Picardie. Elle trouve un emploi : Henri Rochefort l’embauche comme plieuse dans son journal L’Intransigeant, et elle poursuit la lutte pour la condition féminine.
Atteinte de cécité elle meurt dans la misère en 1921 à l’hospice d’Ivry-sur-Seine.
L’Humanité du 25 Mai 1921 écrit dans sa nécrologie : « Cette femme portait en elle un amour de la vie et une confiance en son idéal qui ne se sont jamais affaiblis. Tous ceux qui l’ont connue l’ont aimée et ne l’oublient pas, ce fut pour moi un crève-cœur lorsque je vis que nous n’étions que trois à suivre son convoi. »
Nathalie Lemel, lors d’une réunion de l’Association fraternelle des anciens combattants de la Commune, devant Le Louvre. Extrait du film La Commune d’Armand Guerra, 1914.